BOKIT NATURE - Le pain des damnés

Le jour de la catastrophe, le monde s’est arrêté de tourner pour les moins biens lotis. Et ils étaient nombreux. Et Nil Sahel en faisait parti. C’est dans la cité d’urgence qu’elle s’était
« retrouvée » en passant par l’infirmerie à cause de la fausse couche provoquée par un pan de mur qui lui était tombé dessus.
La réalité du camp de réfugiés s’imposa à elle dans toute sa rigueur. Il n’y avait pas beaucoup d’artistes dans la cité d’urgence et le peu qui y vivaient s’étaient résignés à devenir fous.
Nil Sahel avait vu et ressenti les entités qui se nourrissent de la misère. Dans les périodes où l’on était capable de faire payer un verre d’eau, elle fit l’expérience de l’abîme où l’humanité pouvait sombrer.
« Bokit nature, le pain des damnés » est en sursaut de vie, le spectacle des sans noms que Nil Sahel offrit à ses compagnons de misère anonyme. Elle offrit le spectacle d’une artiste mutilée d’un enfant, d’une artiste sortant des décombres et osant regarder la catastrophe en face, Nil Sahel rassemblant toutes les parties d’elle-même éparpillée, se releva finalement et s’arrachant à la fatalité, elle marcha vers la lumière.
La catastrophe avait pris quelque chose ou quelqu’un à chacun des réfugiés autour d’elle. On s’entassait déjà dans les camps et le flot incessant d’arrivants donnait une dimension irréelle à la tragédie des sinistrés.